Et si ce n’était que le début ?

Le tennis, et le sport de haut niveau de manière générale, n’a que faire du mérite. Mais tout de même. S’il y a bien un joueur qui méritait enfin de gagner un grand titre, c’est bien Casper Ruud. En s’imposant à Madrid, le Norvégien a mis fin à une forme d’injustice : celle de voir un joueur de sa trempe afficher un palmarès encore vierge de titre majeur, malgré sept finales disputées dans les tournois qui comptent vraiment dont trois en Grand Chelem.

C’est donc dans la capitale espagnole que l’anomalie a été réparée. Le natif d’Oslo aime décidément l’Espagne. L’année dernière, il avait déjà brisé un premier plafond de verre à Barcelone en remportant son premier 500. Un an plus tard, l’époque où Ruud était le cador des 250 est définitivement révolue. En triomphant à la Caja Magica, il est devenu un cador tout court. En réalité, il l’était déjà. Mais, même s’il avait occupé la deuxième place du classement, il manquait encore une condition.

Cette dernière est désormais remplie. Et franchement, le voir enfin décrocher un Masters 1000 fait sincèrement plaisir. Un peu comme lorsque Rublev avait triomphé à Monte-Carlo en 2023, remportant lui aussi son premier titre dans cette catégorie. Dans les deux cas, les deux joueurs tournaient autour depuis un moment et l’absence de trophée majeur dans leur palmarès respectif faisait tâche. Leur sacre a d’autant plus réjoui car leurs personnalités, bien que très différentes, sont très appréciées sur le circuit.

Un déclic plutôt qu’un aboutissement

Conséquence logique de son sacre madrilène, Ruud a opéré une jolie remontée au classement. Juste avant le tournoi, le Norvégien pointait à la 15ème place mondiale, son plus bas classement depuis 2021. Après des mois compliqués, il affiche désormais le matricule numéro 7. Un retour dans le top ten qui s’accompagne d’un autre retour, celui des ambitions. Après avoir rejoint le cercle des vainqueurs de Masters 1 000, il peut et doit viser un autre club, celui des vainqueurs de Grand Chelem. 

Avec deux finales à Roland Garros et une finale à l’US Open, Ruud n’est pas passé si loin d’intégrer ce prestigieux club. Mais avec seulement un set remporté lors de ces trois matchs, il ne fut pas non plus si proche. Il se pourrait bien que son titre à Madrid l’aide à franchir cette dernière marche sur laquelle il a toujours butée. Plus qu’un aboutissement, celui-ci pourrait lui servir de déclic. 

Pas le joueur le plus précoce ni le plus attendu de la next gen, Ruud n’est jamais cité parmi les grands favoris avant un tournoi du Grand Chelem. Sans doute que lui-même ne se considère pas comme un vrai prétendant à la victoire finale avant le début de l’un des quatre tournois les plus importants de l’année. Non seulement car le joueur formé à la Rafa Nadal Academy est connu pour sa modestie. Mais aussi parce qu’il peut souffrir d’un léger syndrome de l’imposteur. Pour sa première finale à Roland Garros, les images d’un Ruud intimidé devant Rafa et sa routine d’échauffement avaient fait le tour de la planète tennis.  

Le premier des outsiders à Roland Garros ?

Désormais lauréat en Masters 1 000, Ruud le timide pourrait laisser place à Ruud le conquérant. On dit que l’appétit vient en mangeant. Cela tombe bien, après l’entrée madrilène, le plat de résistance parisien arrive à grands pas. Et cette fois-ci, son nom pourrait être cité parmi les prétendants à la victoire finale porte d’Auteuil. Sans doute pas en première position, ni en deuxième, tant Alcaraz et Sinner semblent au-dessus de la meute. Mais derrière ce duo inévitable, celui qui possède le plus grand nombre de victoires sur terre battue depuis 2021 pourrait bien être le premier des outsiders. 

A vrai dire, on le met égalité avec Zverev dont le niveau de jeu moyen et la constance en Grand Chelem ne peuvent pas être occultés même si Sascha peine à retrouver son meilleur tennis depuis l’Open d'Australie. Et même s’il ne faut jamais enterrer Djokovic, on ne voit aucun autre joueur qui peut lui contester ce statut de premier outsider. Un statut certes anecdotique mais qui montre la nouvelle dimension prise par Ruud grâce à son printemps sur ocre. En 2022, sa présence en finale était plutôt inattendue. Cette fois-ci, le voir fouler le court Philippe-Chatrier le 8 juin pour tenter de soulever la Coupe des Mousquetaires n’aurait plus rien d’étonnant. Et s’il venait à triompher, nul doute que son sacre à Madrid aura joué un rôle déterminant.