Les Français ont-ils réussi leur US Open ? Avant de répondre à cette fameuse question, rappelons d’abord une habitude fâcheuse : ces dernières années, on peut presque systématiquement dresser le bilan de nos tricolores en Grand Chelem avant que les choses sérieuses ne commencent. On aurait aimé attendre la fin de la quinzaine, ou au moins les quarts de finale, pour faire les comptes. Mais, sauf rares exceptions, nos représentants s’arrêtent avant ces hauteurs. Chez les messieurs, seul Monfils a atteint ce stade au cours de cette décennie, c’était à l’Open d’Australie 2022.
L’US Open n’a malheureusement pas dérogé à cette triste règle. Chez les garçons, cinq d’entre eux étaient encore en lice au troisième tour, deux ont accédé aux huitièmes avec Mannarino et Rinderknech, qui n’ont donc pas réussi à rallier les quarts. Comparé aux autres majeurs de la décennie, ce bilan n’a rien d’alarmant. On a connu bien pire, notamment lors des éditions 2021 et 2023 de Roland Garros où la France n’avait aucun représentant au troisième tour (!).
Niveau émotions, on a plutôt été servi. Nos Bleus ont signé quelques coups d’éclat : Bonzi a (encore) battu Medvedev, Mannarino a sorti Griekspoor puis Shelton, et Blanchet s’est dépucelé en Grand Chelem avec au passage une belle victoire contre Mensik. Mais tout cela est-il vraiment surprenant ? La France compte en permanence une douzaine de joueurs dans le top 100 et quelques autres qui gravitent légèrement au-delà. Avec un tel réservoir, une surprise peut surgir à tout moment. On a même la curieuse impression que ceux qui la réalisent sont interchangeables : c’était Mannarino à Flushing, c’était Altmane à Cincinnati, c’était Rinderknech et Royer à Wimbledon contre Zverev et Tsitsipas, ce fut Muller cet hiver et ce sera sans doute un autre lors de la tournée asiatique.
Le rôle principal... en première semaine
Le problème, c’est qu’on a vite compris que nos Bleus finiraient par rentrer dans le rang lors de cet US Open. Le tournoi a parfaitement illustré l’état actuel du tennis français, avec ses forces et ses faiblesses. Tout est facilement identifiable : une densité intéressante (cinq représentants au troisième tour) mais une difficulté à peser dans les grands rendez-vous (aucun en quart). Si nos bleus sont capables de coups d’éclat, ceux-ci interviennent dans les premiers tours. On aimerait qu’ils arrivent un peu plus tard, quand la deuxième semaine pointe le bout de son nez.
Pour cela, il faudrait des têtes de série épargnées par le tirage pour espérer que la grosse perf’ arrive en huitième de finale plutôt qu’au premier tour. En théorie, la France en compte deux : Arthur Fils et Ugo Humbert. Mais en Grand Chelem, nos deux locomotives peinent à confirmer leur statut, souvent à cause de pépins physiques plus que de leur niveau de jeu. Sans leader, nos Bleus se cantonnent donc à animer les premières semaines des tournois majeurs. Quand on approche de la fin, ils ne sont pas conviés.
Un manque de leadership
En attendant que Humbert gagne en régularité, que Fils éclore pleinement, que Mpetshi Perricard se remette la tête à l’endroit ou qu’un champion encore inconnu émerge, le tennis français doit se contenter de petits frissons. De temps à autre, avec un tel vivier, un tricolore réalise une performance intéressante, souvent sortie de nulle part et accompagnée d’une histoire touchante : le revenant Mannarino, le vétéran Monfils, l’incompris Moutet, Muller et sa maladie de Crohn, le talentueux Halys, le fragile Cazaux, l’HPI Altmane, le résilient Blanchet, le sympathique Bonzi…
Le tennis français ne manque ni de charme ni de belles histoires. Il ne peut juste pas rivaliser pour le moment avec des nations comme les États-Unis ou l’Italie, capables d’allier qualité et quantité avec plusieurs joueurs dans le top 10, alors que la majorité de nos tricolores se situe entre la 35ᵉ et la 80ᵉ place. L’avenir nous dira si Fils et Humbert parviendront à endosser définitivement le costume de leader et à s’inviter dans le gratin mondial. En attendant, difficile d’attendre plus des autres que ce qu’ils ont montré à New York. L’US Open ne fut ni une réussite, ni un échec. On a simplement vu ce que le tennis français pouvait nous offrir, et ce qu’il ne pouvait pas.
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